L’Union nationale des caisses de l’assurance maladie (Uncam) et les syndicats représentatifs des différentes professions de santé (1), ont signé le 20 juin 2019 un accord interprofessionnel en faveur de l’amélioration de l’accès aux soins et du développement de l’exercice coordonné.
Annoncé dans le cadre du projet présidentiel « ma Santé 2022 » (2), comme une disposition destinée à répondre aux difficultés croissantes à trouver un médecin traitant ou à être reçu rapidement par un médecin en cas d’urgence, l’accord conventionnel vise à apporter un soutien financier aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin de favoriser la coordination entre professionnels de santé. Il va se mettre en place dès la rentrée 2019 (3).
Les CPTS sont destinées à répondre à deux défis de notre système de santé, avec, d’un côté, des soins de ville insuffisamment structurés pour faire face aux enjeux du virage ambulatoire, de la démographie médicale et de la croissance des maladies chroniques et, de l’autre, un isolement de certains professionnels de santé et un exercice coordonné insuffisamment développé et un cloisonnement notamment entre la médecine de ville et l’hôpital.
Cet accord négocié avec les représentants de l’ensemble des syndicats des organisations représentatives des professions de santé et des centres de santé prévoit qu’une aide financière soit versée par l’Assurance Maladie aux CPTS afin de valoriser le travail effectué en termes de coordination entre professionnels de santé et de réponses organisationnelles aux besoins spécifiques de la population de chaque territoire.
Si l’Assurance Maladie apporte un soutien financier, les solutions concrètes restent à la main des professionnels d’un territoire : ils sont en effet les mieux placés pour identifier et mettre en place les solutions adaptées au niveau de chaque territoire. Le financement proposé vise à valoriser le travail de coordination, effectué par les médecins, les autres professionnels de santé comme tous les autres acteurs, capables de porter des missions essentielles en termes d’organisation commune pour de la prise en charge de qualité et de prévention.
L’aide annuelle apportée dans le cadre d’un contrat passé entre l’Agence régionale de santé, l’Assurance Maladie et la communauté territoriale peut atteindre jusqu’à 380 000 euros, pour les territoires les plus vastes (dont le nombre d’habitants dépasse les 175 000 habitants).
Elle permettra à ces organisations de rémunérer leur fonctionnement, le temps passé à la coordination mais aussi à s’équiper des outils numériques sécurisés nécessaires (agendas partagés, annuaire de professionnels, messagerie sécurisée, outil facilitant la gestion autour d’un parcours…).
1- Qu’est-ce qu’une communauté professionnelle territoriale de santé ?
Une CPTS (4) est une organisation conçue autour d’un projet de santé et constituée à l’initiative des professionnels de santé sur un territoire donné (potentiellement plusieurs par département). Elles sont composées de professionnels de santé comme d’établissements de santé et d’acteurs médico- sociaux et sociaux. Une CPTS a pour vocation d’être une organisation souple de coordination à la main des professionnels eux-mêmes, selon les besoins spécifiques du territoire. Les acteurs locaux en déterminent eux-mêmes le périmètre géographique.
Elles viennent compléter la prise en charge des patients par les acteurs de santé, qui se coordonnent déjà à l’échelle d’une patientèle pour offrir des réponses de proximité. C’est le cas quand les professionnels de santé exercent de façon regroupée au sein de mêmes locaux (centres et maisons de santé) mais aussi au sein des équipes de soins primaires ou spécialisées ou d’autres formes d’organisations coordonnées pluri-professionnelles.
On observe que le nombre de projets recensés de CPTS depuis un an est en hausse, avec notamment une accélération depuis le début de la négociation, ouverte le 16 janvier 2019. En mai 2019, on recense 308 projets (5), à des degrés divers de maturité.
2- Que prévoit l’accord ?
Dans le cadre de l’accord, les ambitions sont les suivantes : favoriser l’accès aux soins, renforcer la coordination entre acteurs de santé, contribuer à l’amélioration des parcours de santé, éviter les ruptures de parcours et favoriser le maintien à domicile des patients.
L’accord prend la forme d’un contrat, qui peut évoluer en même temps que la CPTS. Il est signé au niveau local entre l’Agence régionale de santé, l’Assurance Maladie et les professionnels impliqués.Au-delà des grands principes fixés dans l’accord national, ce contrat est construit pour chaque communauté, afin de répondre aux spécificités locales. Le contenu précis des missions, les moyens déployés, les indicateurs et le suivi des résultats font tous l’objet de définition spécifique.
3- Quelles sont les missions à conduire ?
Le cadre national fixe cependant 3 axes (missions socles) en réponse aux problématiques partagées par tous.
Le premier axe est de faciliter l’accès aux soins des patients au travers des deux volets :
– Faciliter l’accès à un médecin traitant. Aujourd’hui, cette recherche est assurée au cas par cas par les médecins ou autres professionnels de santé mais aussi par les services de médiation des caisses primaires de l’Assurance Maladie. Demain, le principe est de mettre en place un dispositif balisé, notamment pour des patients fragiles ou prioritaires (patients en ALD, âgés de plus de 70 ans, en situation de précarité/CMU-C), pour lesquels l’absence de médecin traitant constitue une difficulté majeure en termes de suivi médical. Pour répondre à cette mission, la CPTS fera, en lien notamment avec l’Assurance Maladie, un recensement des patients concernés et déterminera le degré de priorité du patient au regard de ses besoins de santé. Ensuite, les professionnels détermineront qui, au sein de leur communauté, est en capacité d’assurer le suivi de nouveaux patients. Ainsi, un patient qui cherche un médecin pourra se tourner vers la CPTS de son territoire pour se faire aider dans sa recherche.
– Améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville : Les CPTS ont pour mission de permettre aux patients du territoire concerné d’obtenir un RDV le jour-même ou dans les 24 h (dès lors qu’il s’agit d’une urgence non vitale). Pour ce faire, la CPTS s’appuiera sur tous les médecins du territoire, généralistes comme spécialistes, libéraux comme hospitaliers,ainsi que sur d’autres professions de santé pouvant assurer une prise en charge rapide, après vérification du besoin du patient.
Les modalités organisationnelles sont ouvertes et doivent être définies par chaque CPTS : par exemple, elles pourraient prendre la forme de fixation de plages horaires dédiées, ou d’organisations plus poussées de traitement et d’orientation des demandes de soins non programmés ou encore des accès simplifiées à des examens de radiologie ou de biologie…
Le deuxième axe porte sur l’organisation des parcours pour assurer une meilleure coordination entre les acteurs, éviter les ruptures et favoriser autant que possible le maintien à domicile des patients, via une gestion coordonnée renforcée entre tous les acteurs de santé intervenant autour du même patient (professionnels de santé, lien avec l’hôpital ou avec les établissements et services médico-sociaux et sociaux).
Les modalités de réponses sont là encore ouvertes : mise en place d’un annuaire listant les acteurs de santé, organisation des réunions pluri-professionnelles régulières, recours aux outils pour mieux se coordonner et partager l’information (recours des fiches de liaison, outil de partage autour d’un patient pour la coordination et les parcours, lettres d’entrée et de sorties d’hospitalisation, dans le cas d’une sortie d’hospitalisation…).
Le dernier axe est l’engagement dans le champ de la prévention, notamment autour des thématiques suivantes : risques iatrogènes, perte d’autonomie, obésité, désinsertion professionnelle, violences intrafamiliales. Les CPTS peuvent se mobiliser au service de la promotion auprès des patients de la vaccination, des mesures barrières (ex. port de masques…) et des recommandations délivrées par les autorités sanitaires en cas de risque particulier (ex. participation à la diffusion de recommandations existantes en cas de vague de chaleur, pollution atmosphérique…).
Enfin, les CPTS ont un rôle important à jouer en termes de recueil des événements indésirables associés aux soins et de leur signalement aux autorités comme de participation à un réseau de surveillance ou de vigilance labellisé par l’ARS (ex. Sentinelles…).
Deux autres missions (missions dites complémentaires) sont également encouragées :
- La mise en place de démarche au service de la qualité et de la pertinence des prises en charge (groupes pluri-professionnels d’analyses de pratiques, échanges autour de pathologies ou de situations médicales particulières : plaies chroniques, insuffisance cardiaque, prise en charge des affections respiratoires chez l’enfant …) ;
- Des mesures au service de l’attractivité sanitaire du territoire, pour faciliter l’accueil de stagiaires et communiquer autour des offres de stage, mettre en place des actions à destination des jeunes installés (présentation de l’offre de santé du territoire, compagnonnage …), ce pour favoriser les installations en médecine de ville.
4- Quel est le soutien apporté par l’Assurance Maladie ?
L’accord prévoit une rémunération autour de deux volets, le premier pour contribuer au fonctionnement de la communauté professionnelle (fonction de coordination, etc.) et le second pour rémunérer les missions conduites (financement des moyens déployés pour la réalisation des missions, temps dédié par les professionnels, acquisition d’outils numériques de coordination… et financement en fonction des objectifs atteints).
L’aide versée est proportionnelle au bassin de population couvert par la CPTS et à l’étendue des missions conduites : en dessous de 40 000 habitants, de 40 000 à 80 000 habitants, de 80 000 à 175 000 habitants, et au-dessus de 175 000 habitants en fonction des moyens déployés et des résultats atteints (exemple comme la réduction du nombre de patients sans médecin traitant).
Elle peut se situer entre 185 000 euros par an pour les plus petites communautés et 380 000 euros par an pour les plus vastes.
Plus d’un quart de l’aide financière versée est affecté au financement de la structure et le reste ventilé entre les différentes missions ; par la rémunération, deux priorités sont données à l’accès aux soins (qui peut représenter jusqu’à 20 % de l’aide financière) et aux missions de coordination et de parcours (26 %).
1 Médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues, transporteurs, centres de santé, biologistes, pharmaciens, audioprothésistes, opticiens et fournisseurs d’appareillage.
2 Présenté à l’Elysée aux professions de santé le 18 septembre 2018.
3 Une fois passé les différents délais réglementaires, à savoir 1 mois de délai d’opposition des syndicats, 21 jours d’approbation ministérielle et le délai de parution au Journal officiel de l’arrêté d’approbation de l’accord conventionnel interprofessionnel.
4 Définies par L .1434-12 du code de la santé publique
5 Source Ministère des Solidarités et de la Santé
Source de l’article: Assurance Maladie