Apnée du sommeil : faudra-t-il renoncer à soigner certains enfants?

« AVIS D’EXPERTS – Des acteurs spécialisés* dans les problématiques du sommeil de l’enfant dénoncent les changements de condition prévus dans la prise en charge de la pression positive continue (PPC) pour l’apnée du sommeil de l’enfant.

En janvier 2020, les conditions de prise en charge de la pression positive continue (PPC) pour l’apnée du sommeil de l’enfant changent. Aujourd’hui, ils sont suivis par des médecins formés au sommeil, qui exercent en réseaux près de chez eux, pour des soins rapides et de qualité. Dans six mois, leurs prescriptions seront refusées. Les parents d’un enfant appareillé ne seront plus remboursés s’il n’est pas suivi par un pneumo-pédiatre exerçant dans un centre de sommeil pédiatrique agrée. C’est nier des compétences et refuser aux enfants l’accès aux soins.

Les troubles respiratoires du sommeil touchent 2 à 5 % des enfants. De grosses amygdales, un nez souvent bouché, une petite mâchoire provoquent une respiration nocturne laborieuse. Bouche ouverte, tête en arrière, ils ronflent bruyamment et parfois arrêtent de respirer. Ces apnées, qui se terminent par de courts éveils, rendent le sommeil inefficace. En classe, ils sont fatigués, inattentifs ou hyperactifs. Avec seulement cinq événements respiratoires par heure, l’apprentissage scolaire, le comportement, l’humeur sont altérés. Il faut dépister ces troubles tôt, car ils modifient la croissance du visage, favorisant les apnées de l’adulte.

Ces enfants peuvent être guéris en impliquant le généraliste, l’ORL, l’allergologue puis l’orthodontiste, le kinésithérapeute, l’orthophoniste, le pédiatre. Ce sont des mois de traitement et un investissement considérable pour l’enfant et ses parents!

L’échéance de janvier 2020 arrive à grands pas. Elle va créer des situations inextricables pour les familles d’enfants déjà traités et ceux en attente de PPC.

Pour les plus sévèrement invalidés, la pression positive continue, comme chez l’adulte, supprime les symptômes en une semaine. Elle est rapide à installer par le pneumologue ou le médecin du sommeil ; Ideas a montré qu’ils l’adoptent aisément. Elle permet de passer un cap en attendant que l’orthodontie, la rééducation, la perte de poids permettent le désappareillage. Durant cette période, l’enfant est régulièrement suivi en consultation pour adapter le masque et les pressions. Des polysomnographies périodiques objectivent la diminution progressive des apnées pour un arrêt de la machine dès que possible.

L’arrêté du 13 décembre 2017 prévoit désormais d’attendre dix événements par heure pour autoriser la PPC et que chaque prescription soit faite dans un centre hospitalier spécialisé par un pneumo-pédiatre. L’enfant devra y revenir 1 mois, 4 mois et 10 mois après la prescription, puis tous les 6 mois jusqu’à 12 ans, et tous les ans de 12 à 16 ans. Entre les évaluations annuelles, le renouvellement devra être fait par un pneumo-pédiatre.

Plusieurs mois d’attente

Ces conditions sont inapplicables car irréalistes. Il n’existe que deux centres répondant à ces critères, à Paris et à Lyon. Certains enfants devront désormais attendre des mois et leurs parents faire jusqu’à 500 km pour accéder à un centre spécialisé, par vocation destiné aux cas complexes (mucoviscidose, myopathie). Les pédiatres, peu nombreux, débordés, sont peu habitués à la PPC, dont l’usage reste exceptionnel chez l’enfant. Depuis que le diplôme du sommeil de l’enfant existe, ils y sont largement minoritaires, mais réussir l’examen n’autorisera pas les autres médecins à prescrire.

En 2017, Ideas a plaidé pour la formation des professionnels de la santé et de l’éducation aux problématiques du sommeil de l’enfant, l’accès à des formations interdisciplinaires pragmatiques, le développement de réseaux pluridisciplinaires de proximité pour un recours raisonné à la PPC. Elle a obtenu un sursis jusqu’à janvier 2020 et la création d’un centre hospitalier spécialisé dans chaque région. Aucun n’a encore pu voir le jour.

Pour nous, les réseaux restent la solution. Constitués entre professionnels de santé libéraux, établissements de santé, institutions médico-sociales et représentants des usagers, ils favorisent l’accès aux soins, la coordination et l’interdisciplinarité nécessaires pour cette population-pathologie, s’adaptant aux besoins d’éducation à la santé, de prévention, de diagnostic et de soins. Ces réseaux sont le plus souvent nécessaires et suffisants, les cas complexes devant rester prioritaires dans les centres hyperspécialisés.

L’échéance de janvier 2020 arrive à grands pas. Elle va créer des situations inextricables pour les familles d’enfants déjà traités et ceux en attente de PPC. Devront-ils renoncer à un traitement efficace? Économiquement, ne vaut-il pas mieux investir temporairement 25 euros par semaine pour louer la machine à un enfant plutôt que de faire subir, à long terme, à toute la société le poids de l’échec scolaire et des apnées du sommeil de l’adulte?

* Signataires:
Réseau IDEAS, Interdisciplinarité enfants adolescents sommeil.
URPS Hauts-de-France, unions régionales des médecins libéraux, orthophonistes, kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmiers.
Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre, présidente du réseau Morphée.
Dr MARC Sapène, pneumologue, président d’Alliance Apnées.
DBruno Stach, pneumologue, président du Syndicat national de l’appareil respiratoire (SAR).
Jean-Lucien Tsobanopoulos, URPS, masseurs kinésithérapeutes Normandie.
Thierry Gouzland, masseur kinésithérapeute, président de l’Association française de rééducation oro-myo-faciale (Arom).
Claire Bisquerra, présidente Sommeil d’enfants SenSAS.
Marie-Agnès Wiss-Laurent, présidente de la Fédération française des associations & amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR). »

 

Source: LE FIGARO http://sante.lefigaro.fr/article/apnee-du-sommeil-faudra-t-il-renoncer-a-soigner-certains-enfants/